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samedi, 22 septembre 2007

Tout à la fois

0d0be817d6fdb55c2eaaee3fef132842.jpg« L’opéra permet d’entendre tout à la fois, ce qui ne serait pas le cas dans une pièce. C’est évidemment ce « tout à la fois » qui intéresse Mozart. »

Philippe Sollers

mardi, 18 septembre 2007

On voit donc se dessiner l’enjeu militaire planétaire du XXIe siècle

da9d8c55b3d2a9747caeac9d9050fcf4.jpgOn voit donc se dessiner l’enjeu militaire planétaire du XXIe siècle : il opposera les Etats-Unis à la Chine. Nous sommes dans une Quatrième Guerre mondiale, la troisième ayant été gagnée contre les Russes, à la fois par les Américains, pour la force de frappe et la guerre des étoiles, les Anglais, pour l’espionnage, et Jean- Paul II, pour le combat spirituel. Avec les Chinois, cela va être une autre paire de manches.[...] Il y a une guerre incessante : celle qui nous saute à la figure à travers le terrorisme déchaîné par la stratégie directe. Et une guerre plus secrète qui se mène sans cesse, pas seulement économique, et dont les Chinois sont en train de tirer la plupart des fils. Si l’adversaire est unilatéral, je vais faire du multilatéralisme ; comme l’adversaire est capitaliste, je vais devenir encore plus capitaliste. Pratiquer la défensive stratégique, utiliser la force de l’adversaire pour la retourner en ma faveur. Le Chinois s’appuie d’instinct sur la compréhension interne de ce que l’adversaire ose, veut, calcule et est obligé de faire. Il mène une guerre défensive qui peut durer une éternité : sa conception du temps n’est pas la nôtre. Cette guerre peut se prolonger indéfiniment pour user l’adversaire. Elle ne cherche pas l’anéantissement, mais la domination. C’est donc en prenant le point de vue chinois qu’on voit l’histoire de la métaphysique s’achever dans sa propre perversion : dans le nihilisme accompli, qui peut tout à fait être emprunté par la logique chinoise sans qu’elle sorte réellement de sa propre substance. L’être, le non-être, le néant sont redistribués autrement.

Extraits de "Guerres Secrètes" de Philippe Sollers, à paraître le 4 octobre

Plus d'infos ici

"Portrait de l'Homme au gant", détail
par Tiziano Vecellio dit Titien

samedi, 08 septembre 2007

Et une journée change de sens

"L'amour ne donne aucune assurance, rend tout fragile, menacé, miraculeux, inespéré, et c'est comme écrire  : une page de plus et une journée change de sens. Vous ne ferez croire à personne que vous avez passé des heures à choisir ou à déplacer tel ou tel mot, telle série de syllabes. On vous tiendrait pour fou, et avec raison. Fou comme il fallait l'être, sans doute, pour entretenir jour et nuit le jeu sous une cuisson de métaux et passer à travers la matière afin de trouver la pierre philosophale, la poudre de projection, l'or du temps."

Philippe Sollers, Passion Fixe.

 

vendredi, 06 juillet 2007

La transformation en spéculation boursière

aa97635086760a1926b2493eeaee5536.jpgCe n'est pas le dernier numéro, non c'est celui de décembre 2006 du Magazine Littéraire que je viens de lire mais j'y ai trouvé des articles passionnants. Pour fêter ses 40 ans, la rédaction a convoqué quelques écrivains de ces années, pour leur faire parler de leurs livres. Umberto Eco notamment raconte comment il a construit "Le Nom de la rose", Duras "L'amant : "C'est quoi du Duras ?" "C'est laisser le mot venir quand il vient, à sa place de départ, ou ailleurs, quand il passe. Et vite, vite écrire, qu'on n'oublie pas comment c'est arrivé vers soi."

bb77c0de5a35b7740c6761db5e3f68ec.jpgTrès intéressant aussi, Philippe Sollers, à propos de "La Fête à Venise" sur les rapports de l'art et l'argent : "... ce qui est en train d'arriver à la peinture, sa confiscation, sa transformation en spéculation boursière. Il y a là la volonté de s'approprier un certain trésor de savoir-faire et de sensations humaines, qui désormais appartiendra aux Maîtres. On cache l'expérience physique qui est derrière les tableaux pour faire d'eux une monnaie qui devient une bourse parallèle sur laquelle il y a spéculation. Le sens est retiré ; la mémoire de l'oeuvre est retirée."

mercredi, 04 juillet 2007

Le temps est sorti de son lit, d’une certaine façon

b56f7b6ad8f5ef2ae88d0bca5b60aba5.jpg"le jazz peut nous montrer, dans sa lumière, que brusquement il y a des gens qui ont osé prendre une autre forme de pensée, pensée très rigoureuse, très élaborée, sous le forme NON PAS du savoir, mais d’un désir violent d’un ETRE LA de leur corps au moment même où il s’exprime. Il faut voir pour ça ce qu est arrivé à l’humanité en tant que rythme, en tant que rapport au temps... rapport au temps c’est bien le problème, parce que les temps, si je peux dire et c’est une phrase de Lois, les temps ont changé d’époque. Le temps est sorti de son lit, d’une certaine façon."

Philippe Sollers, Entretien avec J.-L. Houdebine et G. Bourgadier (décembre 1978), lire ici

Ray Charles

dimanche, 01 juillet 2007

Le plus possible de perception et de sens à la fois

« Ses yeux étaient remplis de jaune et de lavande, jaune pour le soleil à travers les stores jaunes et lavande pour la couette gonflée comme un nuage flottant mollement sur le lit. Soudain elle se souvint de son rendez-vous et, les bras jaillissant de la couverture, elle enfila un négligé violet, rejeta sa chevelure en arrière dans un mouvement circulaire de la tête et fondit dans la couleur de la pièce. »

Fitzgerald (lire plus ici)

vendredi, 22 juin 2007

La vérité, en un sens, est violette

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Manet. Bouquet de violettes.
Peint en 1872 pour Berthe Morisot

jeudi, 21 juin 2007

Pub

"Ces temps-ci, elle vient de tourner des films publicitaires. Dans l'un d'eux, un type doit lui sauter dessus, l'embrasser à pleine bouche tout en regardant passionnément en gros plan un pot de mayonnaise. "Non ?" "Si."

Philippe Sollers, Le Coeur absolu.

mercredi, 20 juin 2007

Par bonheur

"Par bonheur, on entend, dans l'ordre qu'on veut, le plaisir et la connaissance"

Philippe Sollers, Le Coeur absolu

Bouder

- Oh bon. Si vous boudez...

- C'est ça. Je vais bouder un peu. Je rentre dans ma phase bouddhiste.

Philippe Sollers, Le coeur absolu

dimanche, 17 juin 2007

L'étoile des amants (citations extraites de...)

483c0b2c628dc5e5e323cb0544bda4c4.jpg"Observe le temps comme un faucon"

"La vigilance repose, l'hypocrisie fatigue"

"Le paradis d'un homme est sa bonne nature"

"Mêlez-vous de vos affaires, et les imposteurs s'évanouiront d'eux-mêmes"

Tableau de Frédérique Azaïs

lundi, 11 juin 2007

L'Abel et la bête

14dd4adbb91169bcb207ddcf67b793bf.jpg"Les réprouvés aiment le rien et le mal ? Ils sont inaptes au néant qui est la même chose que l'être ? Le non-être, à travers eux, voudrait absolument être pour ne pas être ? Ne vous opposez pas à eux, surtout, c'est ce qu'ils attendent. Aidez-les.

Philippe Sollers, Passion fixe

Willem de Kooning, Sans titre, 1987

dimanche, 10 juin 2007

La pierre philosophale

76bf3a4db0cd1975d58b7ccc26af0f58.jpg"L'amour ne donne aucune assurance, rend tout fragile, menacé, miraculeux, inespéré, et c'est comme écrire : une page de plus et une journée change de sens. Vous ne ferez croire à personne que vous avez passé des heures à choisir ou à déplacer tel ou tel mot, telle série de syllabes. On vous tiendrait pour fou, et avec raison. Fou comme il fallait l'être, sans doute, pour entretenir jour et nuit le feu d'une cuisson de métaux et passer à travers la matière afin de trouver la pierre philosophale, la poudre de projection, l'or du temps."

Philippe Sollers, Passion fixe

De Kooning

samedi, 09 juin 2007

Les fleurs font délirer

dd796051e001a41a33877fb3c0d32a09.jpgLes fleurs font délirer. Elles ont été choisies pour exprimer le trouble, la joie sans raison, l'oscillation, le malaise. Jeunes filles en fleur, fleurs du mal, rose céleste ou absente de tout bouquet, orchidée ou trop grand glaïeul, blasons, déclarations, tapisseries, sceaux, tableaux, mariages, enterrements, baptêmes, vraies ou fausses politesses, on ne peut pas s'en passer.

Philippe Sollers, Le Lys d'or

jeudi, 31 mai 2007

Struggle for time

f52da5082f07537df948a58a91d8bc24.jpg"Je réponds simplement "oui, oui, non, non", un peu oui, un peu non, ça l'occupe, il y a longtemps que j'ai renoncé à expliquer quoi que ce soit à qui que ce soit, à justifier mon grain de folie, mon struggle for time. Jamais assez de temps pour sentir le temps. Un quart d'heure est un pays. Une demi-heure un continent parcourable."

Philippe Sollers, Le Lys d'or

Tableau de Frédérique Azaïs

 

mardi, 29 mai 2007

Chroniques d'une élection (71)

c02f0cf65a428f95601a83e3cb62dac4.jpgIl faut que je l’avoue : depuis quelques mois, angoissé par l’importance de l’élection présidentielle française, je me suis mis à faire tourner les tables, à la recherche d’un contact direct avec Victor Hugo, lequel, on le sait, s’est beaucoup livré, en son temps, à cette divination de l’ombre. Je me disais, non sans raison, que les écrivains restent sourdement solidaires à travers la légende des siècles. Hugo es-tu là ?

C’est moi. Mon guéridon est léger, il craque bien, mes partenaires féminines sont magnétiques, mais l’au-delà des ondes est très encombré. Tout de même, Hugo a fini par se manifester, et j’ai transcrit ses réponses, dictées par petits coups secs, et parfois en alexandrins.

Il a commencé par voter Ségo, Hugo, peut-être à cause de la rime, mais surtout parce qu’il avait été flatté qu’elle cite Les contemplations comme une de ses lectures préférées. Hugo trouvait Ségo belle, émouvante, énergique, lyrique, une vraie figure de la République en marche, et son cri de meeting, « Dressez-vous vers la lumière ! », avait galvanisé son spectre. Pour Hugo, qui ne s’est jamais embarrassé de programmes détaillés et vaseux, Ségo, à ce moment-là, incarnait le rêve. Inutile de dire que les socialistes, dans leur ensemble, lui paraissaient des notables plats, surtout les éléphants, à propos desquels il se montrait implacable. Oui, la France méritait une Présidente, oui, une lumière d’amour brillait sur son front.

Dans les jours qui ont précédé l’élection, j’ai senti Hugo plus réticent. Dans les ondes aussi, il y a des sondages. Malgré mes demandes pressantes, Hugo se dérobait et, parfois, refusait carrément de répondre. Des coups faibles, confus. Impossible de lui tirer un commentaire sur Bayrou, par exemple, là, silence de mort. Sur Sarko, une étrange réserve. Une fois, cependant, à propos de Ségo : "Waterloo, Waterloo, sombre plaine." Grand silence, ensuite, le soir de l’élection triomphale de Sarko, rien sur le Fouquet’s, la Concorde, le yacht Paloma au large de Malte. Et puis, récemment, ce simple et beau distique, frappé de façon particulièrement nette : "La France était très moisie,/Elle méritait Sarkozy." Un châtiment, donc ? L’annonce d’une résurrection possible ? Là-dessus, motus, no comment. Hugo ne répond plus, et je dois dire que je suis épuisé par cette traversée des mondes.

Philippe Sollers
Le Journal Du Dimanche, dimanche 27 mai 2007
Lire ici

Roy Lichtenstein

lundi, 28 mai 2007

On entre dans le vrai théâtre des soirs

595a49c2bc9f510a7bbccae51c95fd47.jpg« Comme toujours, ici, vers le dix juin, la cause est entendue, le ciel tourne, l’horizon a sa brume permanente et chaude, on entre dans le vrai théâtre des soirs. Il y a des orages mais ils sont retenus, comprimés, cernés par la force. On marche et on dort autrement, les yeux sont d’autres yeux, la respiration s’enfonce, les bruits trouvent leur profondeur nette. Cette petite planète par plaques, a son intérêt. »

Philippe Sollers, La fête à Venise, (début du texte)

Bona Mangangu, Huile sur toile

jeudi, 24 mai 2007

C'est que je me regarde diversement

« Si je parle diversement de moi, c'est que je me regarde diversement. Toutes les contrariétés s'y trouvent selon quelque tour, et en quelque façon : honteux, insolent, chaste, luxurieux, bavard, taciturne, laborieux, délicat , ingénieux , hébété , chagrin, débonnaire , menteur , véritable , savant, ignorant et libéral , et avare et prodigue. »

Montaigne

(Nouvelle édition des Essais dans la Pléiade, lire ici l'article de Philippe Sollers dans le Nouvel Obs)

mardi, 22 mai 2007

Par l’expérience

f54561e83d3a1451dc91e20cb9070770.jpg"L’homme est un animal qui ne peut être endoctriné que par l’expérience. Cette loi fait que le monde existera toujours dans le désordre et dans l’ignorance car les doctes n’en forment tout au plus que la centième partie"

Casanova

Voir cet article

vendredi, 11 mai 2007

Portrait du joueur

Début du texte :

Eh bien, croyez-moi, je cours encore ... Un vrai cauchemar éveillé ... Avec, à mes trousses, la horde de la secte des bonnets rouges... Ou verts... Ou marron... Ou caca d’oie... Ou violets... Ou gris... Comme vous voudrez... Le Tibet de base... Singes, hyènes, lamas, perroquets, cobras... Muets à mimique, tordus, érectiles... Hypermagnétiques... Venimeux... Poulpeux... Un paquet de sorciers et sorcières ; un train d’ondes et de vibrations... Moi, pauvre limaille... J’ai cru que je n’en sortirais jamais, j’ai pensé mille fois devenir fou comme un rat dans les recoins du parcours... Ils ont tout, ils sont partout, ils contrôlent tout, ils avalent tout...
Mais qui ça, ils ?
Ah, voilà !
Tout simplement, eux. Ils. Ils et elles, bien sûr...

Fin du livre :

Je referme les yeux, et je me vois tout à coup pousser mon attelage, là-bas, jusqu’au bout, vers l’ouest, là où les avions descendent et clignotent, des chevaux de vent et de nerfs, souples, rapides, écumants, volontaires, leurs crinières brillent dans le couchant, personne ne les remarque, ils galopent au milieu des bateaux, chevaux et bateaux, le rêve, ils se faufilent et foncent vers l’horizon rouge, sur le mercure déjà nocturne de l’eau, je les tiens à peine maintenant, ils m’échappent, ils ont leur idée, leur cri d’attraction muet, ils se sont débarrassés de moi, ils filent, ils sont ivres, je sens leurs muscles jouer sans efforts, leurs encolures impatientes, vibrantes, ils se sont réfugiés ici avec moi, en moi, ils vont se fracasser sur la ligne invisible, mais peut-être pas, comment savoir, ils frôlent à peine le canal bouillonnant du soir, je les laisse, je lâche les rênes, ils veulent passer eux aussi, et peut-être vont-ils passer, malgré tout, museaux et naseaux comme directement vaporisés dans l’envers.

Philippe Sollers, Portrait du joueur, Folio

Lire ici